Repérer les violences chez les salarié·es : comprendre les signaux faibles
- CabinetBO
- il y a 2 heures
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Le 11 décembre 2025, la CFTC nous a fait confiance pour l'organisation d'un forum dédié aux violences faites aux femmes de 9h30 a 12h au Minimistan avec un focus particulier sur le continuum des violences, dans et hors du travail.
Parce que les violences ne débutent pas dans la sphère professionnelle et ne s’arrêtent pas à la porte du domicile, nous voulons ouvrir un espace de compréhension, de prévention et d’action collective.
Sensibiliser, protéger, agir
Les violences conjugales et intrafamiliales n’ont pas de frontières. Elles traversent les portes du domicile, s’immiscent dans le quotidien, et finissent bien souvent par laisser des traces au travail. Pourtant, ces signes restent souvent discrets, ambigus, dispersés. On parle alors de signaux faibles : des indicateurs subtils qui, mis bout à bout, peuvent révéler une situation de violence.
Comprendre ces signaux est un enjeu essentiel pour les collègues, les représentants du personnel, les managers et les référents VSS. Non pas pour enquêter à la place des personnes, mais pour ne pas fermer les yeux, et offrir un espace où la parole peut émerger.
Pourquoi parler de “signaux faibles” ?
Parce que la majorité des victimes ne se présentent pas en disant “je subis des violences”.Elles minimisent, doutent, se culpabilisent ou craignent les conséquences sociales, familiales ou professionnelles.
Les signaux faibles ne prouvent jamais, à eux seuls, qu’il y a violence. Mais ils sont souvent les premiers indices que quelque chose ne va pas.
Repérer ces micro-changements permet :
d’ouvrir un espace de confiance,
de rompre l’isolement,
d’orienter vers les ressources adaptées,
et parfois, d’éviter le pire.
Les signaux sur le corps… ou plutôt autour du corps
Les violences ne se résument pas à des coups visibles. Elles se traduisent souvent par des marques du quotidien :
vêtements anormalement couvrants, même quand il fait chaud ;
lunettes de soleil portées en intérieur ;
blessures légères mais répétées, justifiées maladroitement (“je suis tombée”, “j’ai cogné la porte”) ;
fatigue chronique, cernes marquées, troubles du sommeil.
Important : on ne “dénonce” pas une blessure. On fait simplement naître un climat où la personne peut dire si elle veut.
Les signaux dans le comportement
Les violences psychologiques et coercitives modifient la manière d’être au travail :
isolement progressif, retrait du collectif, évitement de la pause déjeuner ;
difficultés de concentration, erreurs inhabituelles ;
hyper-vigilance, sursauts, nervosité ;
excès d’excuses (“désolée”, “pardon”, “c’est ma faute”), révélateurs de la dévalorisation subie ;
irritabilité soudaine ou pleurs à la moindre contrariété.
La victime cherche souvent à “tenir” malgré tout. Ces fissures dans le comportement traduisent une pression invisible.
Les signaux sociaux et téléphoniques
Le téléphone est souvent une fenêtre sur la violence :
appels répétés du conjoint, contrôlant horaires et déplacements ;
messages insistant pour savoir “où tu es”, “avec qui tu es”, “quand tu rentres” ;
nécessité d’envoyer des photos pour prouver sa présence ;
malaise visible après la consultation du téléphone.
Un collègue qui s’excuse constamment de devoir “rentrer vite”, “répondre tout de suite” ou “rendre des comptes” n’exagère pas : il subit un contrôle.
Les signaux professionnels
La violence conjugale a des effets directs sur la participation au travail :
retards fréquents sans explication solide ;
absences répétées (congés maladie courts, annulations de dernière minute) ;
chute soudaine de performance ;
impossibilité de rester tard ou de participer à des événements professionnels.
Ces difficultés ne sont pas un manque d’engagement. Elles sont les conséquences d’une vie sous contrainte.
Les signaux verbaux : ce que la personne laisse échapper
Parfois, la victime glisse des phrases qui semblent anodines :
“Il n’aime pas quand je… ”
“Je dois faire attention à…”
“Ça va aller, c’est moi qui exagère.”
“C’est ma faute, je n’aurais pas dû le contrarier.”
“On a eu une dispute, mais je l’ai provoqué…”
Ces formulations expriment :
la peur,
l’autoresponsabilisation,
la confusion,
la perte de repères.
Les violences psychologiques opèrent justement en brouillant les frontières entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
Ce que l’on peut faire, sans poser de diagnostic
Personne n’a à enquêter ni à prouver une situation de violence. Mais chacun peut ouvrir une porte :
✔ montrer qu’on est disponible : “Si un jour tu veux parler, je suis là.”✔ nommer les observations sans jugement : “Je te sens préoccupée ces derniers temps.”✔ rappeler que ce qu’elle vit compte et mérite d’être entendu.✔ orienter : 3919 – médecins – référent VSS – assistante sociale – cadre RH – associations spécialisées.✔ respecter le rythme de la personne.
Les violences conjugales prospèrent dans le silence. Les signaux faibles sont la première brèche dans ce silence.
Pourquoi l’entreprise a un rôle déterminant
Parce que le lieu de travail est souvent :
le seul espace où la victime peut souffler,
le seul endroit non contrôlé,
l’un des rares lieux où d’autres adultes peuvent voir, entendre, remarquer.
L’entreprise, les collègues et les représentant·es du personnel sont des sentinelles précieuses.
Repérer les violences au travail ne signifie pas “se mêler de la vie privée”.C’est reconnaître qu’une salariée en danger ne laisse pas la violence dehors. C’est comprendre que les signaux faibles sont des appels silencieux. C’est rappeler que la solidarité n’est pas intrusive : elle est protectrice.
Un signal faible n’est jamais une preuve. Mais il est souvent un début de protection.
